La journée mondiale d’Alzheimer le 21 septembre prochain est l’occasion de revenir sur la prévention à mettre en place face à cette maladie. Dans les pays industrialisés, Alzheimer est désormais la maladie neurodégénérative la plus répandue, loin devant Parkinson. 900 000 Français en sont atteints et leur nombre explose : en 2050, 1 Français sur 10 sera touché. Face à l’échec des traitements, de nombreux spécialistes proposent une autre vision de la maladie et de sa prévention : une vision holistique, qui préconise des changements radicaux dans l’hygiène de vie des malades.
Depuis sa découverte en 1906 par Aloïs Alzheimer, on sait que cette maladie se caractérise à la fois par la formation de plaques séniles autour des neurones qui résultent de l’agrégation de protéines beta amyloïdes ainsi que de l’enchevêtrement neuro-fibrillaire de protéines Tau à l’intérieur des neurones. Leur présence entraîne une inflammation importante de la zone. Ces altérations affectent tout particulièrement les hippocampes et le cortex entorhinal, tous impliqués dans l’olfaction, la mémoire à court terme et l’orientation. Et elles provoquent la destruction des neurones et des synapses de la zone ainsi que la baisse de leur production. Les neurones, alors asphyxiés à l’intérieur comme à l’extérieur, finissent par dysfonctionner et « se suicider ». Mais si « la maladie d’Alzheimer est une amplification de phénomènes de corrosion moléculaire du cerveau que tout le monde subit, rappelle le Dr Jean-Paul Curtay, elle ne devient toutefois une vraie maladie que par la conjonction de plusieurs facteurs de risques ». Tout l’enjeu sera donc de limiter ces facteurs de risques par son hygiène de vie.
Nous ne sommes pas égaux devant Alzheimer. L’âge s’avère l’un des facteurs les plus prédisposant. Le sexe compte aussi : les femmes sont plus touchées. A 65 ans on compte 15 femmes atteintes d’Alzheimer contre 10 hommes. Le facteur géographique semble aussi déterminant. A Okinawa, île japonaise réputée pour ses centenaires et son mode de vie remarquables, seuls 6,7 % des 90 ans ont Alzheimer contre 45 % en Occident !
L’enjeu en termes de santé publique est tel qu’en 2020, plus de 17 000 publications scientifiques dans le monde lui ont été consacrées ! Mais les traitements classiques sont tellement peu concluants que l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament s’oppose désormais à leur remboursement.
Et pourtant malgré son ampleur, Alzheimer n’est pas une fatalité ! Plusieurs études dont celle menée par l’hôpital gériatrique de l’Université de Genève, démontrent que près de 20 % des plus de 90 ans ne présentent aucune trace de plaques séniles dans le cerveau ! Preuve que l’on peut vieillir dans un corps et un cerveau sain, même à un âge très avancé !
« La maladie d’Alzheimer se manifeste par une démence, rappelle le Dr Jean-Paul Curtay dans son dernier essai Vous n’aurez pas Alzheimer (Ed. Leduc, 2021). La perte de mémoire est l’un des signes annonciateurs de la maladie. A commencer par la mémoire des faits nouveaux ». En effet tout ce que nous percevons (les faits et les images) dans la journée écoulée, est stocké dans les deux hippocampes (siège de la mémoire à court terme et de notre GPS interne). Puis ces informations sont déplacées lors du sommeil profond dans le néocortex, siège de la mémoire à long terme. Cette circulation d’informations nécessite de multiples neurones et synapses pour passer d’une zone cérébrale à une autre. Or en présence d’Alzheimer, les hippocampes sont les premières régions atteintes. Et avec eux, les souvenirs les plus récents ainsi que notre GPS interne…D’où parmi les premiers symptômes de la maladie, la perte de la mémoire à court terme ainsi que du sens de l’orientation. A noter que les trous de mémoire provoqués par la fatigue, le stress ou l’anxiété sont différents car ponctuels. Seules les pertes de mémoire continuelles qui s’amplifient avec le temps, doivent inciter à consulter un spécialiste.
Autre symptôme signifiant, sur lequel insiste le Dr Jean-Pierre Willem dans Alzheimer et odorat, quand les arômes restaurent la mémoire, (Ed. Guy Trédaniel 2021) : « L’altération du sens olfactif, le plus sophistiqué des cinq sens ». Un symptôme que l’auteur propose de limiter par l’usage des huiles essentielles et d’une alimentation la plus crue possible. Son livre à ce sujet propose tout un programme d’hygiène de vie.
Seul 3% des malades atteints d’Alzheimer présentent des prédispositions génétiques liées à des mutations de gènes. Dans ce cas-là, la maladie peut se déclencher très jeune comme plus tardivement. Les habitudes de vie saine jouant un rôle prédominant dans l’apparition de la maladie.
Une autre prédisposition génétique impliquée est la présence du gène Apo E4 dont 15 % de la population française serait porteuse selon les estimations. Or l’une des particularités de ce gène, est de stimuler la réponse inflammatoire. « Mais il ne s’agit que d’une susceptibilité c’est à dire d’un risque augmenté, pas d’un déterminisme, insiste le Dr Jean-Paul Curtay. Même les porteurs du gène de susceptibilité ApoE4, s’ils limitent suffisamment tôt les facteurs de risques, peuvent réduire fortement la probabilité de contracter la maladie ». A noter qu’une simple prise de sang permet de rechercher la présence de cette forme ApoE4.
– La principale cause de la maladie réside dans le vieillissement. Celui-ci est induit par la présence de radicaux libres, ces déchets toxiques que produit notre métabolisme cellulaire. Au fil du temps, les mitochondries contenues dans nos neurones et qui font office de centrale énergétique produisent de plus en plus de radicaux libres. Ce qui génère une inflammation de base très agressive pour ces neurones.
-D’une façon générale, tout ce qui provoque de l’inflammation accélère le vieillissement et à terme les risques d’Alzheimer. Parmi les causes d’inflammation viennent en tête :
-un microbiote déséquilibré dont les toxines produites par les bactéries pathogènes qui traversent la paroi intestinale (en cas de porosité), augmentent l’inflammation. Or on sait désormais que cette quantité de toxines est directement corrélée à la quantité de plaques amyloïdes qui se logent dans le cerveau et que celui-ci « balaie » chaque nuit durant le sommeil.
– les carences en vitamines D, B et C,
– le déficit en Omega 3, véritable pompier anti-inflammatoire.
– Mais aussi l’excès de fer ou de cuivre (source de stress oxydatif) dans le sang, un mauvais sommeil (sans bon sommeil, pas de nettoyage des plaques amyloïdes accumulées durant la journée), le stress chronique, la pollution…
– Sans oublier une alimentation trop riche en viandes et produits laitiers, tous deux grandes sources d’inflammation.
On l’aura compris, la chasse à l’inflammation est déterminante dans la prévention mais aussi le ralentissement d’Alzheimer. La dernière synthèse du Nutrition and Health Research Center de San Francisco (2016) conclut à partir d’études menées dans 10 pays que la consommation de viandes est le facteur le plus puissant associé au risque d’Alzheimer ! En effet celle-ci est très riche en trois éléments, sources d’inflammation : le fer, l’acide arachidonique un oméga 6 très inflammatoire et l’acide aminé leucine : « Quand on analyse le sang d’une personne qui vient de manger de la viande, on observe un pic d’inflammation qui dure plusieurs heures. Ce pic peut affecter l’ensemble de nos organes, dont le cerveau » confirme J.P Curtay.
Viennent ensuite les œufs et les produits laitiers. Des centaines d’autres études mettent en évidence le rôle inflammatoire des produits transformés et des graisses saturées et trans (margarines, produits industriels, huile de palme, huile de coco…)
« Il est clair qu’il y a un choix fondamental à faire entre une alimentation inflammatoire, riche en protéines animales, pire roussies/noircies, en produits ultra transformés industriels, riche en graisses saturées, sucres rapides, sels et additifs, conclut le Dr Jean-Paul Curtay, ou une alimentation anti inflammatoire, riche en végétaux, fibres, antioxydants, acide gras oméga 3, magnésium et polyphénols (fruits) ». A cette longue liste s’ajoute tous les sucres rapides (alcools, sucre blancs, confiserie, pâtisserie…) qui augmente le phénomène de glycation dans le sang (le glucose s’accroche aux protéines les empêchant de remplir leurs fonctions, y compris dans le cerveau). Exception du vin rouge dont la consommation modérée possède des vertus protectrices grâce à sa richesse en polyphénols.
A l’inverse, les aliments anti inflammatoires sont tout aussi nombreux et nous n’avons que l’embarras du choix ! Est avérée tout particulièrement protectrice : la consommation d’Omega 3 (huile de lin, chanvre, cameline), d’Omega 9 (huile d’olive), de légumes, de fruits (anti-oxydants et riches en polyphénols), de poisson, de noix (Grenoble, Brésil, pécan…), de noisettes. L’association céréales / légumineuses (dans les proportions 2/ 3 de céréales, 1/3 de légumineuses) est aussi excellente car nous apporte des protéines aussi complètes que la viande et nous fournissent les huit acides aminés essentiels que ne produit pas notre organisme. Vivement conseillés le soir car les glucides complexes qu’ils contiennent, favorisent le sommeil. Avec un bémol pour le gluten aux effets pro inflammatoires car il contient de la zonuline, une protéine qui altère la paroi digestive. Le remplacer par le sarrasin, le quinoa, le riz. Mais aussi le thé vert (riche en polyphénols et qui absorbe le fer dont l’excès est très oxydant), le chocolat noir supérieur à 70 % de cacao, les épices telles que le curcuma, les algues… « Une présence dominante des végétaux dans notre assiette est indiscutablement un atout majeur pour la préservation d’un cerveau qui fonctionne jusqu’à un âge avancé, souligne le nutritionniste Jean-Paul Curtay. Des milliers d’études ont amené les institutions de santé publique du monde entier à la placer en tête des recommandations ». Enfin ne pas oublier le rôle majeur des vitamines B6, B9, B12 pour le cerveau. Ainsi que l’effet protecteur du magnésium et de la vitamine D (anti inflammatoire).
Au choix des aliments, s’ajoute le mode de cuisson déterminant selon de nombreux micro nutritionnistes et naturopathes : al dente pour les légumes et légumineuses et même le plus souvent possible, cru selon le Dr Jean Pierre Wilhem, afin de ne pas être altérés par la cuisson. Pour ce dernier, au top des aliments anti-Alzheimer, hormis les légumes et les fruits frais et de saison, figurent les jus de légumes, les algues marines, les noix, les légumineuses, graines germées…
Il s’agit à la fois de ne pas l’agresser par des substances toxiques pour lui mais aussi de le renforcer. Le microbiote qu’il abrite directement en relation avec notre cerveau, est tout particulièrement friand de prébiotiques (fibres végétales contenues dans les légumes racines, tubercules, plantes fibreuses, boissons et aliments lacto-fermentées). Mais aussi d’amidons résistants (pommes de terre froides, marron, navets, panais sarrasin sorgho, noix de cajou, bananes plantain, patates douces…), des aliments très importants pour notre santé au quotidien : « L’amidon résistant contribue aussi à la production de butyrate dans le gros intestin, qui à son tour peut venir en soutien de l’intestin et fournir du carburant au cerveau » explique le neurologue Dale Bredesen qui travaille depuis 30 ans sur les maladies dégénératives. Et de citer dans son ouvrage « La fin d’Alzheimer, le programme (Ed. Thierry Souccar), l’exemple des habitants d’une île de la Papouasie- Nouvelle-Guinée qui malgré une prévalence élevée du gène ApoE4, restent préservés des maladies dégénératives en raison de leur alimentation très riche en amidon résistants.
Seul un programme global d’hygiène de vie tel que le proposent les micro-nutritionnistes, les naturopathes et de nombreux médecins, permet de limiter considérablement les risques de contracter cette maladie. Mais un tel programme nécessite de la constance sur la durée. Et englobe autour de l’alimentation qui en constitue l’axe central, l’activité physique, le sommeil, la stimulation cérébrale ainsi que le maintien du lien social dans la prévention Alzheimer.
Caroline Tancrède
Naturopathe et créatrice de Détox&rando en Sologne
Bibliographie sur le sujet :
« La fin d’Alzheimer, le programme » du Dr Dale Bredesen (Ed. Thierry Souccar 2021)
« Vous n’aurez pas Alhzeimer » du Dr Jean Paul Curtay (Ed. Leduc 2021)
« Alzheimer et odorat, quand les arômes restaurent la mémoire » (Ed. Guy Trédaniel 2021)
Illustrations : licence Adobe stock